mardi 10 mai 2016

Psychanalyse et législation

Il parait que les universités sont "autonomes" et qu'elles font ce qu'elles veulent et que si elles ont envie d'enseigner la psychanalyse jusqu'à la fin des temps, elles sont libres de le faire (Mai 68, il est interdit d'interdire blablabla)...

Sauf qu'en vrai, ce n'est pas tout à fait aussi simple que cela.
Les universités fonctionnent sur des fonds publics, elles délivrent ce qu'on appelle communément des "diplômes d'Etat" et l'Etat a donc un droit de regard sur le contenu des formations qu'il finance, sur le contenu des formations que vont suivre les personnes qui travailleront plus tard dans des établissements de soin publics ou financés par des subventions. C'est logique.

Parcourir les sites web des universités, les critères d'admission à leurs diplômes, ce à quoi ces diplômes donnent droit, etc., s'avère très instructif... Et un peu comique, aussi, faut bien l'avouer (vaut mieux en rire).

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Université Lyon 2 : D.U. Approche psychanalytique et groupale de la famille.
"Admission: Professionnels titulaires d'un Master 2 Pro (ex-DESS) en Psychologie, d'un Doctorat en Médecine ou d'un équivalent.
Formation diplômante, Diplôme d'établissement non homologué.
Objectifs: Donner des outils conceptuels et une méthodologie pour penser l'écoute de la souffrance familiale et mettre en place des dispositifs institutionnels adéquats.[Oui ce D.U. sert à apprendre à "penser" l'écoute: les psychanalystes sont en vérité des philosophes, qu'on paye très cher pour penser et pour nous "apprendre" à penser/interpréter selon les règles de la psychanalyse, interpréter à l'infini. Pour aller mieux par contre, penser à aller mieux, faire des choses pour aller mieux, hof, nan! Penser c'est moins fatigant que de FAIRE]
Et après ? Débouchés professionnels, Prises en charge familiales en institution." [je suppose que ces institutions incluent diverses institutions financées par des fonds publics, comme des hôpitaux, hôpitaux de jour, Institut Medico-Educatif, etc...?]

Note perso: Je ne comprends pas comment des cursus d'orientation psychanalytique peuvent être ouverts aux médecins.
D'après Jacques Sédat, citant Christian Simatos dans la partie I de son article "Le statut et les réglementations de la psychanalyse en France"  il y a incompatibilité entre éthique psychanalytique et éthique médicale, puisque, grosso modo le psychanalyste ne vise pas à "soigner" (c'est ce que nous explique aussi l'association Chemins ou, en mots plus choisis, le code éthique de la Société Psychanalytique de Paris), puisque pour elle, la frontière entre normalité et pathologique est plus que discutable... Attention d'ailleurs à la récupération possible du discours pro-neurodiversité par la psychanalyse, puisque les neuroatypiques expliquent ne pas être "malades" et réclament donc le droit de ne pas être "soignés"!
Bref, pourquoi les cursus de psychanalyse sont-ils donc ouverts aux médecins, si l'éthique des psychanalystes est étrangère à celle des médecins?!!! 

On peut lire encore, dans l'épilogue de "L'ethique du psychanalyste", de Jean-Michel Porte (2009): "Aujourd’hui, ne s’agit-il pas d’empêcher l’éthique psychanalytique d’être par trop contaminée par une éthique du soin menaçant la spécificité de la science analytique ?" 
Pour respecter la  logique des éthiques psychanalytique et médicale, il devrait être impossible de cumuler les deux statuts. Etre médecin ou psychanalyste, il FAUDRAIT choisir!! En d'autres termes, en toute bonne logique, un médecin psychanalyste refusant de renoncer à son statut de psychanalyste, devrait être radié de l'ordre des médecins, non?!

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Université Paris 13:
- En page 5 de la brochure de la licence de psycho, licence qui laisse une place très généreuse à la psychanalyse, on peut lire: "Ainsi est proposée une formation sur cinq axes de la psychologie recouvrant les champs d’application et de recherche de la psychologie, en accord avec les recommandations ministérielles."

Note: Je serais vraiment très curieuse de découvrir quelles sont ces recommandations ministérielles avec lesquelles est en accord l'enseignement de la psychanalyse dans un cursus de psycho, en sachant que: 
1° les psychologues sont appelés à pratiquer dans des établissement de soin.
2° la visée de la psychanalyse n'est pas de soigner.
Ces recommandations ministérielles sont-elles accessibles en ligne? 
Rappelons que les psychologues sont appelés à travailler dans les CRA, entre autres, où on leur demandera donc d'oublier ce qu'ils ont appris en Fac?... Ou pas? Ainsi que dans les hôpitaux, les hôpitaux de jour, les IME, etc., accueillant des autistes, où la psychanalyse est sensée ne pas être pratiquée non plus. 
Donc, d'un côté, des reco de l'Etat mènent à former des gens à coup de psychanalyse, et de l'autre on demande à ces professionnels d'avoir une pratique non-psychanalytique, pour respecter des reco non-ministérielles (HAS). 
On comprend que ces personnes puissent avoir un peu de mal à s'y retrouver. 

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Université Montpellier 3: 
- MASTER PSYCHANALYSE:
"Le Master est un diplôme reconnu pour accéder à une formation de psychopathologie qui est exigée par le décret de 2010. Par ailleurs, un DU « formation psychanalytique de psychothérapeute » a été mis en place dans le cadre du département."

- D.U. FORMATION PSYCHANALYTIQUE DE PSYCHOTHERAPEUTE
"Agréé par le Ministère des Affaires Sociales et de la santé et par le Ministère supérieur de la recherche comme formation conduisant au titre de psychothérapeute
Admission: seuls les dossiers comportant la validation du Master 2, mention "philosophie, psychanalyse", spécialité "Etudes psychanalytiques et Esthétiques" (ou "Communauté et Identité en psychanalyse"), un doctorat de médecine ou un Master 2 en psychologie seront étudiés." 

Note: l'Etat nous explique donc que des "philosophes" sont aptes à devenir "thérapeutes", c'est à dire à prodiguer un soin... Perso, si on m'offrait une psychanalyse pour Noël, je serais ok pour me faire "soigner" par Mr Onfray, avec grand plaisir!
Donc, d'un côté, des ministères donnent des agréments à des cursus de PHILO-psychanalyse alors que d'un autre côté la HAS déclare la psychanalyse comme non-consensuelle.
Il est compréhensible qu'un médecin se fie d'avantage aux décisions d'un Ministère, qui adoube la psychanalyse, plutôt qu'à celles d'un organisme "secondaire" qui la décrie.
A quand la cohérence entre les décisions des ministères et celles de la HAS?

On notera aussi qu'un professionnel indiquant "psychothérapeute" sur sa plaque pro pourra très bien avoir en réalité une formation d'orientation purement psychanalytique. Et comment un psychanalyste, qui ne cherche pas à soigner, peut-il vouloir devenir "thérapeute", c'est à dire, étymologiquement parlant, une personne qui prodigue un soin? Comment le client peut-il s'y retrouver et, surtout, comment les psychanalystes se débrouillent eux-mêmes pour s'y retrouver?!!
Et c'est en tout cas ainsi que des gens en dépression ou souffrant d'autres pathologies plus ou moins sévères (TOC, phobie sociale...), vont voir des "psychothérapeutes", dans l'espoir qu'on les soigne, et se retrouvent face à des psychanalystes qui n'ont pour vocation que de les écouter, indéfiniment. 
Petit malentendu ou grosse arnaque??!

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Paris 8: Master Psychanalyse (R)
"Le Master de Psychanalyse qui se propose de conjoindre une réflexion épistémologique, critique, théorique sur la psychanalyse à une ouverture à la clinique psychanalytique, n’est pas, comme tel, professionnalisant, puisque tout psychanalyste doit d’abord et avant tout accomplir une psychanalyse personnelle, en obtenant sa reconnaissance au sein même d’une association psychanalytique.
Néanmoins, dans le décret de loi de juillet 2010 sur la formation des psychothérapeutes, le gouvernement a reconnu l’intérêt professionnel du Master de Psychanalyse de l’université Paris 8 en donnant aux titulaires de ce Master la possibilité de s’inscrire ensuite, s’ils le souhaitent, dans une formation agréée de psychothérapeute."
Le Master donne droit à faire des stages dans des "institutions de santé mentale".
Et "A l’occasion notamment de la pratique des présentations de malades, se déroulant dans des lieux hospitaliers il s’agit, de mettre à l’épreuve la clinique léguée par la tradition psychiatrique, et que la psychanalyse, ne serait-ce que par la méthode d’examen qu’elle induit, relève différemment."

Note: Donc, on résume: l'apprentissage de la philo-psychanalyse (psychosophie? philonalyse?) donne accès à des institutions de soin et à l'examen de malades. 
Comment l'Etat peut-il cautionner le fait de mettre des malades - la santé publique et les fonds de la "Sécu", entre les mains de "philosophes" qui ne veulent soigner personne?!

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L'article 1 du Décret n° 2010-534 du 20 mai 2010 relatif à l'usage du titre de psychothérapeute:
"L'inscription sur le registre national des psychothérapeutes mentionné à l'article 52 de la loi du 9 août 2004 susvisée est subordonnée à la validation d'une formation en psychopathologie clinique de 400 heures minimum et d'un stage pratique d'une durée minimale correspondant à cinq mois effectué dans les conditions prévues à l'article 4.
L'accès à cette formation est réservé aux titulaires d'un diplôme de niveau doctorat donnant le droit d'exercer la médecine en France ou d'un diplôme de niveau master dont la spécialité ou la mention est la psychologie ou la psychanalyse."

Note: L'accès à la formation de psychothérapeute est ouverte autant aux médecins qu'aux titulaires d'un master de psychanalyse.
Cela veut donc dire que les deux cursus (médecine et psychanalyse) ont une valeur équivalente, du point de vue de la loi.
Pourtant, d'un côté on a des gens qui veulent soigner, de l'autre des gens qui ne veulent pas soigner...
Donc là c'est comme si la loi nous expliquait que les poires, c'est la même chose que les scoubidous.


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Dans la Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique - Article 52:
"Le décret en Conseil d'Etat définit les conditions dans lesquelles les titulaires d'un diplôme de docteur en médecine, les personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue dans les conditions définies par l'article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social et les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations peuvent bénéficier d'une dispense totale ou partielle pour la formation en psychopathologie clinique. Article 52
Modifié par LOI n°2016-41 du 26 janvier 2016 - art. 125" 

Note: adoubement suprême: "Tu es psychanalyste? Que tu aies un diplôme quelconque ou pas, tu n'as pas besoin d'une formation en psychopathologie clinique!!".
Pourquoi? 
Parce que tu as la science infuse?
Pas du tout!
C'est juste parce que de toute façon, dans les facs de psycho, les cours de psychopathologie clinique, c'est essentiellement de la psychopathologie psychanalytique!! Donc forcément, ça ferait doublon, ce serait ballot. 


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Si vous connaissez d'autres textes de loi pro-psychanalyse, n'hésitez pas à me les transmettre! Je collectionne!